On peut tout mettre dans les boîtes
Des cancrelats et des savates
Ou des oeufs durs à la tomate
Et des objets compromettants
On peut y mettre aussi des gens
Et même les gens bien vivants et intelligents
Oui oui décidemment la boîte
Est bien le plus indispensable
Des progrès faits depuis les temps
Que l’on nomme préhistoriques
Faute d’un terme plus subtil
Pour désigner la vague époque
Où le dinosaure dînait
Dans les marais de l’Orénoque
Où le Brontosaure brutal
Broutait des brouets brépugnants
Où le ptérodactyle enfin
Ancêtre extrêmement voisin
Du stérodactyle ordinaire
Ouvrait pareil à Lucifer
Des ailes de vieux cuir de veau
Dans un crépuscule indigo
En faisant claquer ses mâchoires
Pour effrayer nos grands parents.
Différence fondamentale
Avec notre vie d’aujourd’hui
La boîte, messeigneurs, n’existait pas encore.
BOÎTES
Je vous aime toutes, je vous aime
Vous vous suffisez à vous-mêmes
Et jamais ne nous encombrez.
Car pour ranger les
BOÎTES les BOÎTES les BOÎTES
On les met dans des BOÎTES Et on peut les garder.
Boris Vian, 1954