Dans un monde sans Dieu, sans fondement ultime, c’est à nous qu’il appartient de donner leur sens aux choses. C’est moins pour l’absolu qu’il faut se battre, que pour ce qui, justement, dépend de notre combat pour exister.
Être relativiste, c’est penser que les valeurs sont relatives à un lieu, à un temps, à un corps, qu’elles ne valent pas dans l’absolu, mais relativement à un contexte, à une histoire… Être relativiste, c’est penser que les valeurs ont une origine, et non un fondement. Nietzsche, par exemple, est relativiste lorsqu’il montre que les valeurs chrétiennes ne sont pas fondées en Dieu mais viennent d’une histoire au cours de laquelle les chrétiens ont su les imposer aux autres. En faisant la « généalogie de la morale » (chrétienne), il montre qu’elle a une histoire, une origine historique, et qu’elle ne vaut donc pas dans l’absolu. Nietzsche est encore relativiste lorsqu’il écrit qu’« il n’y a pas de vérité, il n’y a que des perspectives sur la vérité ». Mais cela ne veut surtout pas dire que toutes les perspectives se valent, et c’est en le comprenant que vous verrez se dessiner la réponse à votre question. Car si la vérité est relative à une époque ou à un lieu, elle est aussi relative à l’affirmation de celui qui y croit. La « vérité » dépend alors de notre talent à la faire vivre, à la vouloir, à lui dire « oui ». Et ce n’est pas être « nihiliste » que d’affirmer une vérité ! Certes, cette vérité n’est pas absolue, mais c’est justement parce qu’elle n’est pas absolue qu’il faut s’engager à son service, qu’elle a, en quelque sorte, besoin de nous. Si la vérité absolue existait, si Dieu existait, aurait-il vraiment besoin d’être « affirmé » par de simples hommes ? En fait, le relativisme n’est un nihilisme que pour celui qui croit qu’il n’y a de vérité qu’absolue. Mais pour celui qui est vraiment relativiste, c’est la vérité absolue qui est une illusion, voire une négation du réel, et dès lors que tout est relatif à tout, que tout dépend de tout, alors la valeur de nos valeurs, elle aussi, dépend de notre capacité à nous battre pour elles. Le relativisme est alors le contraire du nihilisme. C’est probablement l’essentiel de la philosophie nietzschéenne : puisqu’il n’y a pas de fondement ultime aux valeurs, c’est à nous de leur donner leur valeur, de l’inventer même.